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11 décembre 2012

Top 5 - 2012 (Geoffroy)

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5. Get Well Soon - "Roland, I feel you" (La Bestia Scarlatta Con Sette Teste, 2012)

Ça fait deux ans d'affilée que je passe à deux doigts d'un top 5 exclusivement féminin (1). Cette année, c'est Konstantin Gropper qui me sauve la mise avec une piste tirée du dernier album de son projet Get Well Soon. L'album n'atteint pas les sommets du précédent opus (Vexations, 2010), mais la piste single et sa vidéo cinématique n'en sont pas moins, respectivement, de grands moments de musique et de cinéma (exercice : essayez d'imaginer les deux ensembles. Si si, j'insiste. Prenez votre temps, je ne suis pas pressé. Ouaip. Mind blown, on y est bien bien).

Conçue en bande d'annonce d'un film fictif de série dite "Z" des années 1970 (prononcez "Cévennes-tease") (2), le vidéoclip d'accompagnement visuel constitue un pêle-mêle foutraque d'occultisme de foire (3), de western spaghetti et de sexploitation, totalement en corrélation avec le thème global de l'œuvre qui aborde sous un oeil moqueur et un recul amusé quoiqu'un peu pédant (4) l'irrationalité intrinsèque des craintes eschatologiques à la fois séculaires et très contemporaines de nos sociétés modernes (l'interlude instrumental musique d'ascenseur tellement 1950's (prononcez "fifre-tise") "Let Me Check My Mayan Calendar" est un exemple frappant du second degré particulièrement habile de l'auteur).

 

4. Lucy Rose - "Bikes" (Like I Used to, 2012)

L'anglaise Lucy Rose nous livre cet année un excellent premier album folk légèrement poppy avec son lot de singles accrocheurs ("Scar" (coupé au montage et relégué en bonus track pour des raisons qu'on ignore, ce qui est un tantinet invraisemblable), "Red Face", "Middle of the Bed" pour ne citer qu'eux). La piste que j'ai retenue, "Bikes" est illustrée par un clip qui n'aurait pas fait tâche durant les grandes heures de MTV (pas l'époque "Video Killed the Radio Star" (Wooley and the Camera Club via The Buggles, 1979), mais un peu plus tard, quand une frange de vidéastes ambitieux a découvert après quelques années d'errance qu'on pouvait exploiter le format pour faire des trucs un peu plus chouettes et inspirés que le scopitone tendance beurre de yak de papa Elvis).

Par ailleurs, et ça mérite d'être souligné, Lucy Rose est la preuve qu'on peut encore réussir à proposer un premier album pop qui lorgne du côté du mainstream en 2012 sans s'adonner à la provocation ordurière (également dénommée "trash" outre-atlantique) ni à l'exhibition publique d'un ou plusieurs nibards (non pas "sous les spotlights des tropiques (cit. req.)", mais de quelques panneaux publicitaires aussi bien dissimulés qu'une otarie derrière son ballon rouge) et qu'en plus on peut faire çà comme une grande sans roulettes à la bicyclette ni promotion en grande pompe qu'on pourrait qualifier d'autant grossière que satanique, pour simplifier (*). Et ça, c'est quand même rassurant pour une année de fin du monde mexicaine.

 

 

3. First Aid Kit - "The Lion's Roar" (The Lion's Roar, 2012)

Single éponyme tiré du deuxième album de First Aid Kit, une petite entreprise familiale issue du pays des fjords, des porte-manteaux, des élans et autres meubles en kit, mais qui revisite la folk des Appalaches avec du brio, de l'inspiration et une paire de voix particulièrement émouvante qui n'est pas sans rappeler, avec une délicieuse incongruité, les élancées mercurielles de l'orgue d'Al Kooper (5). On imagine volontiers que même le joueur de banjo de Délivrance (John Boorman, 1972) n'aurait pu rester de marbre devant une telle démonstration de pureté cristalline. Ajoutez à ça une vidéo qui emprunte à un autre chef-d'oeuvre du cinéma anglais (The Wicker Man, Robin Hardy, 1973) et vous obtenez un truc qui met les poils (6) et dans le mille à tous les coups.

 

2. Kyla la Grange - "Been Better" (Ashes, 2012)

Encore une anglaise, encore un premier album, dont la sortie a été couverte dans un billet ici même il y a quelques mois, mais j'aime trop pour ne pas sauter sur une occasion d'en remettre une couche dans l'officiel de 2012. La piste "Been Better" est décidément ma favorite sur un album qui contient de multiples perles et l'évidente promesse d'une brillante carrière efflorescente, qui serait bien du genre à éclore aux petites heures de la nuit, de préférence les soirs de lune pleine, façon jasmin.

 

 

1. Blood Red Shoes - "Cold" (In Time for Voices, 2012)

Ok. Objectivement, ce ni le meilleur album de l'année, ni le meilleur titre de l'année. Objectivement. Je me permet d'insister sur ce point, parce que sur un plan plus personnel, ouaip, on a là l'incontestable haut du panier, le Xanadu, le Paradise, le top of the top 2012 de votre serviteur.

Si vous voulez bien m'autoriser le luxe d'élaborer un peu, je vais faire en sorte, l'espace de quelques lignes, de détailler un peu le fond de ma pensée. Dans le cas contraire, vous pouvez sauter ce paragraphe, ça restera entre nous, personne ne vous en tiendra rigueur. Quand on arrive à la trentaine, on perd un peu de cette joie d'enfant que l'on éprouvait adolescent à la découverte de la dernière livraison de notre groupe de musique ou autre artiste chantant favori. Tel un insupportable moutard languissant le passage de Papa Nöel ("On arrive quand ?"), frétillant d'impatience en cochant les cases de son calendrier l'avent, on attendait avec une frénésie croissante le fameux "mardi de la sortie" du disque tel le retour du sauveur. C'est aussi ça la magie de la musique, la magie de Noël, quand la nature endormie se couvre d'un immaculé manteau blanc sous la baguette enchantée de la fée du givre et qu'on fête le solstice autour d'un beau de feu de cheminée qui crépite tandis que Tom Jone, Duke Ellington ou autre Tino Rossi (**) passe en sourdine sur la platine, c'est le moment où l'ancien du village accroche le gui, sous lequel s'embrassent les amoureux, pour protéger les foyers des influences nocturnes et délétères des petits êtres invisibles qui hantent le bois autour de la clairière où l'on sacrifie bouc et poulet noir pour s'assurer les faveurs du Dieu Cornu, pour qu'il veuille bien nous nous inonder de ses faveurs et offrir renaissance bourgeonnante du printemps, paix, prospérité, pâture pour le bétail, clémence d'un climat tempéré et raisonnablement pluvieux (c'est bon pour le raisin), et la joie de courir nu dans les herbes hautes au retour des beaux jours.

Long story short

: Blood Red Shoes est un de ces quelques groupes bénis qui me provoque encore une exaltation toute adolescente à chaque sortie d'album. Et je crois que ça suffit pour mettre le meilleur titre de leur dernier effort en date en tête de mon top 5, non ?

Non ? Ok. Pour finir de convaincre les sceptiques, vous trouverez ci-dessous la démonstration que "Cold" est un bon titre en quelques points irréfutables quoique non exhaustifs :

1. Il est issu du troisième album du groupe, également appelé "album de la maturité" selon une croyance populaire, alors que de fait, c'est plutôt "l'album de j'ai eu un coup de bol, un label m'a signé sur un malentendu, j'ai refait la même deux ans plus tard et j'ai réussi à m'en tirer sans qu'on s'en rende trop compte, là, il faut vraiment que je trouve un truc pour faire évoluer mon son sinon je sens la lassitude critique poindre son nez et il faut que je prouve que j'ai une carrière valable pour que les fans soient encore là au quatrième album, également appelé selon une croyance populaire 'album cossu tel la PanAm c. 1960 parce que je sais à peu près ce que je fais et que le producteur et la maison de disque me font confiance, les sots'". Est-ce que le troisième album du combo, In Time For Voices, répond au cahier des charges ? Ouaip. On y trouve tout plein de nouvelles choses, comme des power ballades incandescentes en mode slow burner, des arrangements de cordes, un interlude "trash-grind-core-screamer-metal-black-death" (7) de 1'30 qui ressemble à rien et une poignée de singles saisissants dont "Cold", qui est peut-être le plus en phase avec les racines et le son originel du groupe (en gros, c'est le morceau pour les fans de la première heure, merci les poulets, salut "Top Gun", ça m'a fait plaisir, la bise à la famille, see you next year).

2. Ça a beau être "l'album de la maturité", on n'a toujours pas embauché un bassiste, parce que c'est bourgeois (oui, je confirme qu'il n'y a vraiment que deux musiciens sur la bande son, les overdubs, c'est tricher. J'ai vérifié personnellement lors d'un concert le mois dernier qui m'a valu de sacrées acouphènes).

3. Sur une note similaire, la double pédale, c'est tricher aussi. Sur un complément de note plus personnel, j'en profite pour passer un appel à témoins : je comprends toujours pas comment on peut tenir un tel rythme de batterie sans double pédale tout en respectant les propriétés d'un espace euclidien. S'il y a un docteur en physique, mention mécanique, dans la salle, je l'invite à me rejoindre dans les loges après la prestation, un schéma explicatif serait le bienvenu. Je prend aussi, à défaut, l'assurance effrontée que "si si on peut promis t'inquiète" par une personne bienveillante avec une quelconque autorité dans le domaine ou un domaine connexe. Je ne suis pas regardant.

4. C'est un de ces rares groupes de rock qui réussissent contre toute attente (ça aussi, c'est non-euclidien) à taquiner les dix ans de carrière sans avoir jamais cédé aux sirènes du succès et qui a su garder sa proximité, sa simplicité et la tête froide (no bullshit, no drama attitude) (8). C'est reposant et ça permet de se concentrer sur l'essentiel.

5. Veuillez cliquer sur le petit triangle juste en dessous. N'ayez pas peur, les règles de sécurité ont été respectées à la lettre. Voilà. Hop. Vous me remercierez plus tard.

 

N'hésitez pas à me contacter pour toute question ou réclamation et à l'année prochaine pour de nouvelles aventures sur les vagues cosmiques du sonotone d'argent.

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Notes de bas de page (ça donne tout de suite un incroyable air d'autorité érudite à un article, vous ne trouvez pas ?):

(1) NdlE : En fait, une rapide vérification m'a permis entre temps de confirmer que mon top 2011 était exclusivement féminin, mais j'aime bien cette entrée en matière, je me permet donc cette honteuse réécriture de l'Histoire qu'on n'autorise en général qu'aux vainqueurs (ce qui constitue une sorte de win / win en fait — John Nash me confirme ça d'un double thumbs up de là ou il est. Merci John.).

(2) Appel à projet : si quelqu'un est assez dingue tourner le long métrage qui va avec, je suis prêt à faire une soirée cinoche / restau exprès pour fêter ça.

(3) Les cinéphiles attentifs reconnaitront le clin d'œil appuyé vers l'excellente et méconnue adaptation d'une nouvelle d'Edgar Alan Poe par Vincent Price (The Mask of the Red Death, 1964), notamment au niveau de la séquence que je nommerais du "trou de la serrure" faute d'un meilleur épithète (elle débute à 4'00 environ) et de la série de plans studio sur fond coloré criard qui s'ensuit.

(4) C'est une sorte de marque de fabrique récurrente chez notre ami mélomane d'outre-Rhin, mais on l'excuse volontiers, parce qu'il est suffisamment brillant pour se permettre ce genre de facétie.

(*) Cf. "Party of the First Part", The Sky's Gone Out, Bauhaus, re. Beggars Banquet 1988 - bonus track, pour de plus amples renseignements (oui, nous voilà arrivés au moment magique où le désir de bien faire mêlé d'une conscience professionnelle qui ne faillit point fait qu'on rajoute une dernière note de bas de page, mais on a la flemme de réorganiser les autres parce que voilà, c'est dur, hein ?).

(5) Si vous me dites qu'il est besoin de préciser la référence, je vous envoie au piquet avec un blâme et vous me réécouterez trois fois Highway 61 Revisited. Que je vous y reprenne pas.

(6) "Mettre les poils" : expression idiomatique et familière tombée en désuétude. Elle était utilisée il y a quelques décennies par les mélomanes amateurs de la scène jazz française (Rive Gauche, Saint-Germain, tout ça) pour qualifier une musique tellement intense qu'elle donne à l'auditeur la chair de poule. De nos jours, on utilise plutôt "trop de la bombe de balle", et c'est bien dommage.

(**) Petit Papa Noël (Tino Rossi, 1946) et son apologie honteuse d'une vision du monde réduit à un paganisme mercantile outrancier, mais aussi prophétique, au lendemain du dernier grand conflit mondial dont sont issues nos sociétés modernes, est un parfait exemple de ce qu'on peut appeler un "chant de noël" (j'en ai des frissons dans le dos rien que d'y penser).

(7) Rayez les mentions inutiles. Ah, et for the record, no offense intended pour les fondamentalistes du sous-genre. Je sais que certains prennent ces choses-là très au sérieux, ce qui ne m'empêche pas de m'en moquer avec une sorte d'audace qu'on pourrait qualifier d'éperdue.

(8) Pour citer quelques contres-exemples célèbres merci de vous référer à U2 (c. 1995) ou The Smashing Pumpkins (c. 1992 — En fait, J'ai bien envie de dire 1989 mais on risque de me taxer de parti-pris, voire d'une mauvaise foi ostentatoire).

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